L'ANNIVERSAIRE

Comédie Française
Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier
75006 Paris
01 44 39 87 00

Jusqu'au 24 octobre 2013
Du mercredi au samedi à 20h, les dimanches à 16h et les mardis à 19h.

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Mis en ligne le 21 septembre 2013

L'anniversaire
© Christophe Raynaud de Lage

Il vous sera impossible de sortir indemne du Vieux-Colombier. Voir cet Anniversaire est une expérience éprouvante. Au début pourtant, tout semble aller bien, trop bien même dans le quotidien morne d'une pension de famille apparemment sans histoire. Ni Peter et Meg Boles, les deux propriétaires, ni Stanley Webber, l'unique pensionnaire de cette maison tranquille qui ressemble plus à une famille qu'à un commerce, ne semble avoir d'autre souci que celui du petit déjeuner bien servi. Néanmoins le malaise dans l'esprit du spectateur commence à s'installer quand il s'aperçoit du jeu malsain existant entre Meg et Stanley. Elle, à laquelle Cécile Brune, un peu gauche, donne une fragilité émouvante, et lui, Jérémy Lopez, rondouillard, tout en méchanceté gratuite d'enfant trop gâté, ont apparemment une relation d'amour frustré, bancale et presque incestueuse.

Tout aurait pu continuer dans ce marasme malsain si deux étranges nouveaux pensionnaires, Goldberg et McCann, n'étaient pas arrivés, le jour de l'anniversaire de Stanley. Une nouvelle donne qui va bouleverser le jeu. Mais que cherchent-ils ? Est-ce qu'ils représentent la conscience morale de l'arrogant Stanley censée lui faire la leçon, ou sont-ils deux démons qui incarnent le sadisme le plus féroce ? Mystérieuse et inquiétante, l'ironie grinçante de la pièce de Harold Pinter vire au sordide et à l'atroce, en même temps que les costumes s'assombrissent. Avec une mise en scène accentuant la violence des situations – notamment grâce aux cris de Goldberg (Éric Génovèse) et aux mutilations de l'acte III, qui vont au-delà des indications du dramaturge – Claude Mouriéras fait éclater toute la férocité des personnages, en contraste avec le décor couleur taupe qui les enferme. « Ne les laissez pas vous dire ce que vous devez faire » conseille mollement le faible Peter Boles (Nicolas Lormeau) à un Stanley devenu entièrement soumis à ses bourreaux. Qu'il ne réagisse pas davantage devant l'implacable, et surtout que le spectateur ne s'en étonne pas, en dit long sur la logique impitoyable de cette comédie changée en tragédie le temps d'une triste fête.

Une pièce de théâtre empreinte d'une telle férocité psychologique, et qui provoque une telle révulsion physique, pourrait tout à fait laisser sceptique, ne serait-ce qu'à cause d'une certaine incompréhension digne de Kafka qu'elle suscite. Et c'est toute la réussite de cette production que de réussir à nous faire ressentir un effroi véritable. Saluons donc le talent et la performance des comédiens.

Frédéric Manzini

 

 

L'Anniversaire

De Harold Pinter
Traduction : Eric Kahane
Mise en scène : Claude Mouriéras
Assistant à la mise en scène : Renaud Durville

Avec
Cécile Brune (Meg Boles)
Éric Génovèse (Nat Goldberg)
Nicolas Lormeau (Peter Boles)
Nâzim Boudjenah (Seamus McCann)
Jérémy Lopez (Stanley Webber)
Marion Malenfant (Lulu)

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