KICHINEV

Maison de l'Europe et de l'Orient
3, passage Hennel
75012 Paris
Du 19 au 25 juin à 20h30


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Kichinev

Kichinev est le nom d'une ville de Bessarabie où s'est déroulé le 6 et 7 avril 1903 un pogrom contre la communauté juive. Bilan très lourd des massacres : quarante neuf morts, plusieurs centaines de blessés et des milliers de familles juives sans foyer. A l'époque, la Bessarabie était une province de la Russie du tsar Nicolas II. Ni les autorités, ni la police ne sont intervenues pour empêcher les tueries, les viols et les destructions.

Quelques semaines plus tard, le poète Haïm Nahman Bialik se rend sur les lieux pour témoigner. Horrifié par la barbarie des assaillants et  l'immobilisme de ses coreligionnaires, il écrit alors le poème : La ville du massacre. Il y décrit les exactions, les horreurs insoutenables mais aussi fustige l'absence de réaction et le fatalisme des victimes. C'est un cri de révolte qu'il tente d'insuffler par ses mots. Depuis, Bialik est devenu poète national d'Israël.

En 2009, ému par les images puissantes du poète, Zohar Wexler prend conscience que ses grands-parents sont nés à Kichinev. L'histoire des persécutions contre les juifs rejoint son histoire familiale. Il décide alors de partir sur les traces du massacre. Il fouille les archives, il se rend à Kichinev qui ne s'appelle plus Kichinev, il retrouve des lieux emplis de fantômes encore hurlant.

Voilà l'histoire que nous raconte Zohar Wexler. Il apparaît dans son costume cravate, un peu comme un conférencier arpentant l'espace, un sourire bienveillant au coin des lèvres, la voix douce et chaude. Il narre de façon croisée les questions sans réponses qu'il se pose au sujet de ce drame et l'historique du pogrom. Puis il nous emporte dans son voyage jusqu'à la ville qui était Kichinev. Une ville dont l'urbanisme du vingtième siècle semble avoir englouti tout reste du passé. Jusqu'à ce qu'il découvre dans une rue elle aussi renommée, comme s'il grattait sur l'apparence des choses pour en faire ressortir la vérité, une maison, une cour, une cave. Une maison assaillie et dévastée en 1903, une cour où l'on a battu à mort certains de ses habitants, une cave où les scènes de viols intolérables se sont succédé.

Une succession de photographies et de films projetés à travers ce narrateur nous rend palpable son errance et ses découvertes. On l'imagine découvrant petit à petit les lieux de l'horreur en parallèle constant avec le poète Bialik recueillant les témoignages des victimes. C'est un voyage dans le temps.

Et la plus belle partie de ce spectacle arrive. Soudain, l'aérien Zohar Wexler nous donne « La ville du massacre » et c'est un homme révolté qui parle, qui s'emporte, qui bouillonne. Et tout le texte nous parvient, toutes les images sont rendues dans leur violence intègre. Et nous suivons vers après vers, le cri de rage contre l'injustice.

Car toute la première partie de ce monologue nous a fait découvrir et les lieux et les évènements dont s'est inspiré le poète.

C'est une manière d'une richesse extrême de nous donner ainsi les clefs d'un texte dont le sens aurait peut-être échappé sans ce croisement de vie et de pensées entre une homme du début du vingtième siècle et l'autre du vingt-et-unième.

 

Bruno Fougniès

 

 

Kichinev

Texte, mise en scène et jeu Zohar Wexler
Collaboration artistique Catherine Abecassis
Création vidéo Marie-Elise Beyne
Création lumière Christian Pinaud et Paul Baureilles
Scénographie Vincent Tordjman
Costumes Cidalia Da Costa
Son et images Dominique Lacour
Musique Teddy Lasry
Montage vidéo Céline Ducreux
Maquillage Sophie Niesseron
Administration Marion Levrard
Production Cie Le Réséda, en Transhumance à la MEO
Texte publié aux éditions l'Espace d'un instant