IRRÉSISTIBLE

Théâtre Le Proscenium 
2, passage du bureau (angle du 170 rue de Charonne)
75011 Paris
01 40 09 06 77

Du 9 septembre au 23 décembre 2015
Le mercredi et le vendredi à 21h15

 

Irrésistible loupe 

Il y a un esprit Woody Allen qui insémine cette pièce. D’une part dans le choix du rang social des personnages – des trentenaires bobos, lui avocat, elle éditrice – d’autre part, à cause des dialogues frisant sans cesse l’introspection ou l’analyse psychologique forcenée. On y retrouve cette folie qui tente de trouver dans les raisonnements une planche de salut. On y retrouve également cette sorte panique face aux sentiments amoureux. L’auteur Fabrice Roger-Lacan ajoute à ce cocktail explosif des répliques qui s’amusent avec les sonorités, jeux de mots, assonances, surabondance de sifflantes, gymnastique grammaticale et doubles négations drolatiques.

Comme dans une pièce de boulevard, toute la pièce se déroule dans le salon d’un couple qui vit ensemble depuis quatre ans. Ce soir-là, elle revient d’une après-midi passée avec l’auteur qu’elle vénère depuis sa plus pure jeunesse et tout dérape. Non pas parce qu’elle a cédé à l’irrésistible attraction du grand auteur qui en plus d’avoir une plume glorifié est un don juan, mais justement parce qu’elle n’a pas cédé aux avances de ce séducteur. De là, toute la cocasserie de l’intrigue.

Lui va chercher à comprendre pourquoi elle n’a pas cédé à la tentation. Pourquoi fait-il cela ? Peut-être pour ne pas semer l’ombre d’un regret dans leur histoire commune, un regret capable plus tard de transformer leur amour en aigreur et reproches… car voilà un couple qui se veut averti, affranchi des désirs du corps et de l’esprit, un couple qui veut mener sa vie avec intelligence, lucidité, honnêteté.

D’habitude, ce sont les femmes qui font preuve d’une obstination quasi obsessionnelle pour percer les raisons obscures qui stagnent dans les cerveaux des hommes. Dans cette pièce, c’est l’homme qui n’abandonne pas la quête d’une réponse inutile jusqu’à l’explosion fatale. Plus que de la jalousie, c’est une volonté éthique qui le pousse à « chercher la petite bête », une volonté d’honnêteté et de justice, une sorte d’idéal amoureux qui refuse de vivre l’hypocrisie des couples bourgeois habituels.

Le théâtre classique ne s’intéresserait pas à ces personnages, sinon dans un rôle secondaire, porteur d’un comique populaire, car ce sont des cérébraux aux prises avec les sentiments amoureux. Le pathétique qu’ils dégagent vient de cette volonté même de comprendre ce qui est du domaine de l’émotion, du ressenti. Un domaine qui leur échappe totalement car leur sincérité doit être étayée par la raison, ce qui n’a rien à voir avec le monde passionnel.

L’engrenage de questions mène donc toute l’intrigue de cet affrontement. Dans ce jeu diabolique où le cérébral règne en maître sur les personnages, Nathalie Bernas et Florian Bayoux semblent quelque peu en équilibre instable sur l’esprit logique qui dirige la plupart de leurs répliques : les mots se bousculent parfois sans que les intentions soient très claires. Ils apparaissent presque trop pleins de sensibilité pour incarner des personnages qui seraient d’autant plus intéressants s’ils étaient traités dans une plus grande démesure comme de purs intellects, des cerveaux battus en brèche par les passions.

Bruno Fougniès

 

Irrésistible

Texte de Fabrice Roger-Lacan
Mise en scène Mathias Gomis
Scénographie Emmanuel Mazé

Avec Nathalie Bernas et Florian Bayoux

 

Mis en ligne le 19 mai 2015
Actualisé le 2 septembre 2015

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