HÔTEL PALESTINE

Confluences
190 boulevard de Charonne
75020 Paris
01 40 24 16 46

1er et 2 novembre 2013 à 20h30

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Mis en ligne le 3 novembre 2013

Hôtel Palestine

À l'origine, Hôtel Palestine pouvait apparaître comme une œuvre de circonstances. Parue en 2004 en pleine guerre d'Irak qui avait été lancée un an plus tôt, elle mettait les pieds dans le plat de la polémique qui avait fait éclater l'opposition entre une  certaine conscience européenne, plus précisément germano-française, à une certaine Amérique, plus exactement celle de l'administration de George Bush. Il est incontestable qu'il y a une part de dénonciation proprement politique dans cette œuvre dont le titre reprend le nom d'un hôtel à Bagdad abritant des journalistes mais qui avait été la cible délibérée d'un obus américain…

Pourtant, cette reprise dans la mise en scène de Fábio Godinho, qui fait suite à celles de Jean-Claude Fall et de Frédérique Mingant en 2011, prouve que la pièce continue d'être jouée et qu'elle reste d'actualité, même une fois la guerre finie et les politiciens impliqués mis à la retraite. C'est que les questions qu'elle pose interrogent la société au-delà des circonstances qui l'ont inspirée. Il s'agit en effet de dresser un inquiétant état des lieux de la démocratie occidentale, entre trucages des élections, restriction des droits pour ceux qui sont supposés la menacer, et mépris cynique des médias. Vivons-nous un « fascisme soft » s'interroge la journaliste Criss (Delphine Sabat) en reprenant la formule du sociologue Richard Sennett ? « Ce n'est plus de la démocratie, mais qu'est-ce que c'est alors ? Y a-t-il une possibilité de résister ? Et à quoi ça pourrait ressembler, la résistance ? » Le théâtre engagé de Falk Richter incarne à sa manière cette forme de résistance politique, mais à force de vouloir éveiller les consciences de ses contemporains, il s'expose au risque – même s'il s'en défend – de verser dans l'idéologie ou le pamphlet.

La mise en scène du jeune Fábio Godinho, qui s'appuie sur de non moins jeunes comédiens, se révèle suffisamment inventive pour ne pas transformer la représentation en leçon de morale. Elle a pour cela recours à beaucoup d'astuces : la captation vidéo en direct (et en faux direct) montre la surexposition médiatique, les boissons régulièrement renversées, volontairement et involontairement, signifient les dégâts collatéraux de la guerre, les intermèdes musicaux imposent une prise de distance et une esthétisation des enjeux, etc., sans parler de la scène finale dans une piscine. L'ensemble est ingénieux et parvient à troubler l'esprit du spectateur (pourtant déjà averti de ces questions) en le déplaçant sur plusieurs niveaux de représentation. Mais elle disperse aussi son attention à cause de cette recherche de l'effet scénographique (la chaise d'arbitre, les unes de Libération, les changements de tenues sur scène, les cris), de la fragmentation et du mouvement permanent, parfois gratuit et artificiel, qui se fait au détriment de la définition des personnages, pas assez identifiables, ni dans leurs costumes ni dans leur jeu, et que l'absence de narration linéaire de cette pièce typique du théâtre post dramatique de Richter n'aide pas à cerner. Celui de Ron, porte-parole du gouvernement, n'en ressort que mieux, grâce à l'interprétation d'Hugo Malpeyre qui se singularise dans cette distribution en rendant palpable la tension sur scène, qui est aussi la tension qui traverse la société du monde.

Frédéric Manzini

Hôtel Palestine

Hôtel Palestine

De Falk Richter
Traduction  Anne Monfort
Mise en scène Fábio Godinho 
Scénographie Marco Godinho 

Avec Julien Rochette (Andy), Hugo Malpeyre (Bob), Delphine Sabat (Criss), Mathilde Bourbin (Lynn), Amandine Gilbert (Jodie), Fábio Godinho (Ron) et Hadrien Besse