FUCK AMERICA

La Manufacture des Abbesses
7 rue Véron
75018 Paris
01.42.33.42.03

Jusqu’au 14 octobre
Jeudi,vendredi, samedi à 21h.
Dimanche à 17h.

 

Fuck America loupe 

C’est en 1980 que paraît le "roman" d’ Edgar Hilsenrath, né en 1926.  Il sort aux Etats-Unis, l’Allemagne s’étant effrayée de ce brulôt qui mêle provoc’ et éléments autobiographiques.

Ce n’est que dans les années 50 qu’Hilsenrath, rescapé de la solution finale, finit par arriver aux États-Unis. Nous assistons à la lente maturation de l’écrivain, ou plutôt de son double de papier Jacob Bronsky.  À ses difficultés également et elles sont nombreuses : manque d’argent, petits boulots ingrats dont il se fait virer assez vite, combines pour récupérer quelques dollars. Et surtout, de façon appuyée, à ses désirs sexuels impérieux qu’il peine à satisfaire. Jakob touche le fond. Il désespère. On pourrait évoquer Charles Bukowski... pour l’ambiance et les détails crus.

Petit problème, un écrivain, personnage principal d’un livre en devenir dont le titre devrait être "le branleur", ça passe. Mais il est toujours délicat de montrer un auteur sur scène : rien n’est moins spéctaculaire que le fait de noircir des pages et d’enchaîner des chapitres. Même si, ici, nous avons droit à des projections de pans du texte sur un écran. Le procédé est habile, mais ne convainc pas toujours.

C’est Vinaver qui opposait les pièces-machines (avec intrigue) aux pièces-paysages. Ici, nous sommes dans le second cas de figure : l’enjeu n’existe pas vraiment, hormis le fait de savoir si Jakob s’en sortira et finira son livre. Or il l’a bouclé, fait publier, avec un certain succès, même, puisque nous en avons une adaptation sous les yeux.

Mais les tableaux s’enchaînent bien. Tout est fluide. Signalons au passage, la présence du personnage de l’auteur (un deuxième double ?) qui, assis au premier rang, se tourne vers le public pour commenter l’action du Jacob scénique. On comprend ce que le metteur en scène a voulu faire, mais cette distanciation supplémentaire s’imposait-elle ?

Nombre de scènes nous touchent vraiment : celles où Bronski cherche du travail, l’épisode du restaurant aussi, très réussi, un repas chez de vagues cousins et surtout la scène finale où Bronski se confie (se confesse ?) à une psy-star de la télé... On regrette juste que tout ne soit pas de la même eau. Plus resserrée, la pièce aurait sans doute mieux fonctionné.

Les comédiens, comme souvent, sauvent beaucoup de choses : Laurence Huby joue tous les rôles féminins et se renouvelle finement (en prostituée, en serveuse ou en dame chic) . Yann Josso et Ghislain Del Pino sont très convaincants. Mention spéciale à Nicolas Sansier, dans le rôle de Jacob. Enfantin, inspiré, bougon, cafardeux... il nous fait sentir le vécu du personnage et les affres par lesquelles il passe.  Il porte la pièce sur ses épaules. Du beau travail.

Gérard Noël

 

Fuck America

de Edgar Hilsenrath , Edgar Hilsenrath
mis en scène par Laurent Maindon

Avec : Ghyslain Del Pino, Christophe Gravouil, Laurence Huby, Yann Josso, Nicolas Sansier


Mis en ligne le 25 août 2018