FESTIVAL DES ÉCOLES DU THÉÂTRE PUBLIC

Cartoucherie de Vincennes
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Réservation : 01 43 74 99 61

ENTRÉE LIBRE

Jusqu’au 28 juin, du jeudi au samedi à 19H00 et 21H00, les dimanches à 15H00 et 17H00

 

loupe 

Voici la sixième édition du Festival du Théâtre Public organisé par le Théâtre de L’Aquarium en partenariat avec la Tempête, l’Épée de Bois et l’Atelier de Paris. Sont invités cette année quatre des onze Écoles nationales supérieures d’art dramatique de France ainsi que La Manufacture de Lausanne.

L’idée est de présenter les spectacles de fin d’année de ces élèves comédiens, metteurs en scène et techniciens, dans une configuration professionnelle devant un public vrai.

Mais il ne faut pas entendre ici « spectacle de fin d’année » comme une fête familiale, bon enfant avec cet esprit de tolérance qui se diffuse dans ces moments-là : le festival se propose de montrer des spectacles totalement aboutis, professionnels, capable de rivaliser avec n’importe quelle production du théâtre subventionné.

Pour cette première semaine, deux spectacles sont présentés :

Au Théâtre de l’Aquarium, le Conservatoire National (CNSAD) nous présente le travail d’un de ses élèves metteur en scène (Raphaël Trano de Angelis) avec Lady Aoï une pièce de Yukio Mishima inspirée par le théâtre Nô. L’écriture de Mishima était déjà une tentative de moderniser de théâtre traditionnel japonais, cette mise en scène radicalise encore plus cette démarche tout en gardant les éléments de la forme de ce théâtre – Un orchestre, un chœur, des masques, de la danse, un drame – mais ici, l’orchestre (huit musiciens et deux chanteurs) suit une partition de musique contemporaine avec des instruments d’orchestre symphonique, un seul masque symbolise un personnage allongé sur son lit, la danse rituelle est remplacée par une chorégraphie moderne, les costumes sont actuels.

L’histoire met en jeu trois personnages plus un. Un homme vient tardivement au chevet de sa femme, hospitalisée alors qu’il était absent de la ville. Une infirmière un peu étrange l’accueille et l’informe qu’une femme inconnue vient elle aussi visiter la malade quotidiennement. La visiteuse finit par arriver comme chaque jour. Est-elle réelle ou est-elle le double d’une femme que le mari avait connu puis délaissée dans le passé ? Un esprit vivant qui viendrait se venger par jalousie.

Le décor hyper-stylisé s’attache pourtant à donner l’idée de matière et de sensualité. Une allée menant à un carré où trône le lit de la malade (symbolisée par un masque) sera l’espace de jeu. Tout le sol de cet espace est recouvert d’un sable doré. Lisse et immaculé au début de l’histoire, celui-ci finira déformé, griffé, saturé d’empreintes laissées par les danses, les fuites et les étreintes des deux protagonistes principaux : le mari, interprété par un comédien, et la visiteuse, danseuse. Une autre matière, des voiles de cotonnade écrue pendent et renvoient à la matière vivante, charnelle.

Un spectacle d’un esthétisme fort, avec une musicalité captivante, une recherche de rythmique et de langage chorégraphique et surtout une attention très particulière aux symboles – gestes et formes – qui délivrent à flux continu du sens comme s’ils cherchaient à s’adresser à l’inconscient.

Le deuxième spectacle plonge lui aussi son regard vers le théâtre traditionnel : le théâtre grec antique. Il s’agit d’une traversée de trois pièces de Sophocle : Œdipe, Antigone et Électre.

Avec ce spectacle, Magali Leiris met en scène les élèves-comédiens de l’Académie, l’École Supérieure

Professionnelle de Théâtre du Limousin. Seize élèves de deuxième année pour interpréter les différents rôles de ces chefs-d’œuvre écrits il y a vingt-cinq siècles, qui sont comme les racines profondes du théâtre occidental contemporain.

Ici, tout est pensé pour projeter en avant les interprètes. Dès l’ouverture, ils sont tous sur le plateau de la salle Copi du Théâtre de la Tempête. Habillés de toiles colorées, pieds nus, cheveux lâchés, ils sont le peuple de cette lointaine Grèce où les dieux rendaient fous les hommes et où les hommes rendaient folles les divinités.

Dans et devant un même décor, sorte de labyrinthe fait de toiles créant des alcôves qui seront les bâtiments d’où sortent les héros ainsi que les maisons des villes (qui symbolise le mur de la Skéné des théâtres de la Grèce antique), vont se dérouler trois mise en bouche de ces trois pièces majeures. On suit dans l’ordre l’histoire d’Œdipe, puis celle de sa fille Antigone et enfin celle d’Électre, fille d’Agamemnon et sœur d’Oreste. Les pièces et les trames s’enchaînent presque sans jointure, comme si Sophocle lui-même, en narrateur invisible, racontait ces histoires dans le but de nous donner envie de savoir la fin de ces histoires.

C’est une lecture à suspens que nous donnent ici ces comédiens. Les intrigues quasi policières de ces pièces sont ici mises en avant ce qui permet de suivre sans se perdre les différentes trames et de se laisser passionner par les événements, les luttes, et les pensées politiques qui portent ces textes.

Malgré, parfois, une inégalité de qualité d’interprétation, de jeu, l’énergie et la volonté d’incarner ces personnages emportent le morceau.

Deux pièces de deux univers différents et pourtant, ces deux spectacles ont énormément de choses en commun. La multitude des interprètes sur les plateaux, une volonté de restaurer un cérémonial, une théâtralisation du récit, la présence d’un chœur dans les deux productions, une volonté de s’emparer des origines de ces arts pour les moderniser… mais une modernisation qui se prive de toute technologie apparente (vidéo, musiques électroniques, machines…) comme si une même envie de se ressourcer préfigurait ces mises en scène. Ajoutez à cela des décors conceptuels, faits de lignes géométriques et de matières, on peut dire qu’un même désir anime dans sa forme la naissance de ces deux créations. Même si le Sophocle comporte un fond de discours politique quand le Mishima s’intéresse plus aux tourments de l’individu.

Pour la semaine du 25 au 28 juin, le Festival présente trois spectacles : Punk Rock d’après Simon Stephens par l’École du Nord, Lac de Pascal Rambert par la Manufacture de Lausanne et Coming Out d’après les textes de Virginie Despentes et Chuck Palahniuk par l’ESAD de Paris.

Bruno Fougniès

 

LADY AOÎ

de Yukio Mishima, adaptation Dominique Palmé
mise en scène Raphaël Trano de Angelis, assistant Adrien Guitton
composition et direction musicale Hacène Larbi
traduction et chorégraphie Kaori Ito
scénographie et costumes Yaël Haber et Karolina Howorko (ENSAD)
équipe technique Vincent Détraz, Dominique Nocereau, Félix Depautex (CNSAD) et deux techniciens du Conservatoire du 5e arr.

avec : Noémie Ettlin, Nicolas Gonzales, Clarisse Sellier, huit musiciens, deux solistes lyriques et un choeur de huit comédiens - chanteurs

 

SOPHOCLE

d’après Œdipe, Antigone, Électre de Sophocle

Mise en scène Magali Léris, assistante Marie-Anne Denis
chef de choeur Tatiana Pykhonina
avec la participation du Théâtre de l’Union : Claire Debar (lumière), Nourel Boucherk (son), Esther Pillot (costumes) et Alain Pinochet (réalisation décor).
Scénographie conçue par Cécile Bertani, Lucie Gady-Didelot, Mylène Garcin, Tristan Gros, Héloïse Touraille (élèves de 3e et 4e année de l’École Nationale Supérieure d’Art de Limoges) et encadrée par Alain Pinochet

Avec : Hélène Bertrand, Lara Boric, Jeanne Fremy, Robin Gros, Antoine Guyomarc’h, Marie Jarnoux, Sophie Lewisch, Ali Lounis Wallace, Paul-Frédéric Manolis, Florentin Martinez, Carole Maurice, Raphaël Mena, Erwann Mozet, Pélagie Papillon, Charles Pommel, Lorine Wolff

 

Mis en ligne le 20 juin 2015

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