FAIM

Théâtre Lucernaire
53, rue Notre Dame des Champs 
75006 Paris
01 45 44 57 34

Jusqu’au 25 septembre
du mardi au samedi à 21h30

 

Faim loupe 

Faim est l’un des plus beaux textes, l’un des plus troublants, publié par le norvégien Knut Hamsun en 1890, un écrivain honoré des années plus tard par un prix Nobel de littérature. Le même qui cinquante ans plus tard commis l’irréparable en rejoignant Hitler et les nazis. Une vie énorme et chaotique, un talent de la même trempe.

Sous la forme d’un court roman écrit à la première personne, ce récit raconte l’errance poétique et tragique d’un jeune homme touché par le virus de l’écriture et tombé dans le dénuement le plus total. Toute l’histoire se déroule dans la ville de Christiania (Oslo). Elle raconte la quête de plus en plus hallucinée de ce narrateur tourmenté autant par la nécessité de trouver de quoi manger que de trouver de quoi écrire et inventer. Mais c’est aussi une vision extrême et sans concession de la vie au cœur d’une grande métropole vue du bas. Un constat amer des inégalités, et de la mort qui rode pour certains aux pieds de l’opulence.

Ce qui fait surtout la force de ce texte est le style. Un style d’une apparente simplicité qui dissimule une extrême précision soutenue par un rythme en avance sur son temps.

Xavier Gallais s’est emparé de ce roman psychologique avec l’appétit que celui-ci mérite. Comme un affamé. Pourtant, il arme son personnage, dès les premières minutes, d’une infinie bienveillance et dévisage les spectateurs en ami. Un ami un peu fiévreux qui tient un livre à la main. Le rapport est direct avec lui, qui joue le lecteur tout en incarnant avec tout son corps les affres, les douleurs et les délires croissants du personnage.

Sa voix est douce, posée, ferme tout en prenant le temps de laisser venir les mots à l’esprit avant qu’ils ne passent ses lèvres. À petites touches, il nous donne à imaginer les rues sombres, les logements sordides, les squares désertés et les cellules de prison effrayantes. Les rencontres aussi. On sent qu’au-delà de l’indéniable talent de ce comédien, quelque chose de plus l’attache à ce texte, comme une identification avec le poète, une secrète fêlure.

La scénographie est totalement hors réalisme : un sapin de noël, un gigantesque tapis blanc sur le sol, un distributeur de boissons chaudes… autant d’éléments qui suggèrent le froid et le rêve d’un confort protecteur.

C’est surtout la lumière qui tout au long du spectacle va nous faire rentrer avec le narrateur de plus en plus profondément dans la nuit.

La mise en scène d’Arthur Nauzyciel laisse la part belle à l’imaginaire et à la flambée douce et tremblante des mots. L’essentielle de celle-ci s’applique à diriger le jeu du comédien.

 Ce spectacle est un très beau travail, respectueux, précis, avec une recherche pointilleuse sur une diction expressément lente, de ces dictions que le manque de nourriture ou la fièvre provoquent chez ceux qui les subissent. On assiste ainsi à l’implacable progression vers la folie, mais pas seulement, car il n’y a pas dans cette faim que la souffrance de l’affamé, tous les affamements semblent cogner à l’esprit du personnage : les désirs, les poésies, les émerveillements…

Seule la critique sociale, le cri, a été un peu occulté par cette adaptation. Attention pourtant à ce que le tempo ne soit pas trop lent.

Bruno Fougniès

 

Faim

Texte de Knut Hamsun
Traductions : Régis Boyer et Georges Sautreau
Adaptation théâtrale Florient Azoulay et Xavier Gallais
Mise en scène Arthur Nauzyciel

Avec Xavier Gallais

 

Mis en ligne le 5 septembre 2015

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