EN ATTENDANT GODOT

Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
01 48 06 72 34 

Jusqu’au 1er mai
Le lundi à 20h00 et le dimanche à 17h00

 

En attendant Godot loupe 

Si ce n’était leur chapeau melon, on pourrait presque oublier que ce sont des personnages.

L’angoissé Estragon et Vladimir, plus bonhomme, tous deux et chaussés de vieilles baskets, s’assoient au milieu des spectateurs, ils jouent de la promiscuité avec eux et les prennent régulièrement à partie, n’hésitant pas à les fixer intensément du regard, à leur chuchoter des remarques et à les interpeller sur leurs attitudes. Le parti-pris de l’acteur-metteur en scène Yann-Joël Collin est fort et intéressant. C’est du théâtre très direct, parfois brutal et dérangeant, qui met le corps au premier plan et qui parvient à renouveler notre manière de percevoir cette pièce devenue (malgré elle sans doute) un classique du répertoire. Les pieds nus et la barbe hirsute de Vladimir, le ventre bedonnant d’Estragon, la nervosité sarkozyste de Pozzo et la moue triste de Lucky en clown blanc : c’est d’abord et surtout par son physique que chacun s’impose sur la scène.

Le résultat est ambivalent : puisque, de fait, la connivence est bloquée et que l’échange avec la salle tourne court, mais puisque cette absence de vraie réponse n’arrête pas les protagonistes, on à l’impression d’un faux dialogue, d’une incommunicabilité humaine fondamentale rendue encore plus évidente. C’est l’un des thèmes de la pièce bien sûr, mais ne prend-il pas ici le pas sur les autres, et notamment sur la subtile poésie faite de légèreté et de nuance qui se dégage du texte ? Le risque est celui de rendre la situation sur scène finalement plus artificielle qu’à l’origine, à l’inverse de l’effet escompté. Il n’est pas sûr que ce danger ait été ici écarté.

Frédéric Manzini

 

En attendant Godot

De Samuel Beckett
Mise en scène : Yann-Joël Collin
Collaborateur artistique : Thierry Grapotte
Régie lumière : Matthieu Lecompte

Avec Cyril Bothorel (Estragon), Yann-Joël Collin (Vladimir), Pascal Collin (Lucky), Christian Esnay (Pozzo) et Elie Collin (le garçon).


Mis en ligne le 7 avril 2017