DON JUAN

Au Théâtre des Amandiers (NANTERRE) jusqu'au 6 avril 2011
Tél : 01 46 14 70 00

 

Don JUAN

(Le trompeur de Séville ou le convive de pierre)

 

Le théâtre des Amandiers a la bonne idée de réunir deux grands dramaturges espagnols sous le titre « siècle d'or » : Rojas et Tirso de Molina, respectivement auteurs de la Célestine et de Don Juan. La Célestine date de 1499 et don Juan de 1625. On sait par ailleurs que Molière s'inspira précisément de Tirso de Molina pour élaborer sa propre pièce. Ici, nous avons l'occasion de retrouver l'original. Bien sûr la langue, traduite, n'a pas les mêmes fulgurances mais l'approche de Christian Schiaretti est de qualité. Sur la scène transformable du théâtre, on a aménagé une longue plate-forme, le public se trouvant de part et d'autre.  A chaque bout, de larges portes battantes rouges, comme deux entrées d'un toril.

Et, de fait, c'est à une sorte de corrida que nous sommes conviés : Grands d'Espagne, nobles, pêcheurs, paysans, s'évertuent à conserver femme ou fille alors que don Juan n'a qu'un but avoué, jouir d'elles. Chez Molière, le personnage était un séducteur. Ici, il est tout aussi jouisseur, mais sans cette nuance de désespoir et de provocation de son successeur français. Il n'est pas athée : plutôt impie et parjure, ce qui n'est déjà pas si mal.  

Dans la tradition de cette comédie espagnole qui virevolte, rebondit, Tirso de Molina nous entraîne de Lisbonne à Séville pour une réjouissante course-poursuite parsemée de conquêtes féminines, de rendez-vous, de duels, de pièges, et de toutes ces « fourberies » que conçoit don Juan, assisté de son valet ici nommé Catalinon.

La mise en scène se tire habilement de la scène du naufrage et de la noyade (qui y figure aussi) ainsi que tout ce qui concerne la statue du commandeur et la mort de don Juan dans les flammes. Encore une fois, c'est la sobriété et l'élégance qui caractérisent la réalisation de Schiaretti.

Ajoutons que les costumes sont somptueux, les lumières inspirées et que la mise en scène, basée sur cette « scène vide » chère à Antoine Vitez, fait rendre au texte le maximum de ses possibilités.

Les comédiens, tous excellents (et qui jouent dans les deux spectacles) sont emmenés par Julien Tiphaine en don Juan. Cet acteur a une vraie présence faite de rudesse et de mobilité. Clément Morinière est impérial en roi de Castille. Le fidèle Catalinon, gouailleur et poltron trouve en Damien Gouy un interprète de choix. Les comédiennes sont excellentes aussi, à commencer par Yasmina Remil en pêcheuse, dans les deux sens du terme.  Jeanne Brouaye habite son rôle de femme mariée qui ne se résout qu'in extremis à dire oui à don Juan. Bravo à Laurence Besson  également, qui a joué malgré une jambe dans le plâtre.

Quelques commentaires, glanés à la sortie laissaient entendre que cette représentation de « don Juan » était une des plus réussies. Nous sommes tout à fait de cet avis.

 

Gérard Noël

 

« Don Juan » de Tirso de Molina

Mise en scène de Christian SCHIARETTI

Avec Julien Tiphaine, Damien Gouy, Nicolas Gonzalés

Clément Morinière, Alain Rimoux,Philippe Dusigne

Laurence Besson, Yasmina Remil, Jeanne Brouaye,