DES ROSES ET DU JASMIN

Théâtre des Quartiers d’Ivry
Manufacture des Œillets
25, rue Raspail
94200 Ivry-sur-Seine
01 43 90 49 49

Jusqu’au 16 mars,
Lundi, mardi, jeudi et vendredi à 19h, samedi 18h, dimanche 16h, relâches mercredi

 

Des roses et du jasmin loupe Photo © Nabil Boutros

C’est le troisième spectacle créé en collaboration entre le TQI et le TNP – Théâtre National Palestinien. Il y eut Antigone de Sophocle qui a couru le monde pour cent vingt représentations entre 2011 et 2013, puis Zone 6 création collective et enfin, Des Roses et du Jasmin, écrit par Adel Hakim, créé à Jérusalem en juin 2015. Trois pièces mises en scène par le même Adel Hakim qui a rejoint les grains de sable de l’univers, l’été dernier, en laissant derrière lui une lettre d’adieu d’une beauté rare et ce spectacle qu’Élisabeth Chailloux reprogramme, un spectacle lui aussi comme une trainée de lumière dans les ruines et les drames du Moyen-Orient, de la Palestine, d’Israël.

Tracer près de cinquante ans d’histoire de ce pays : voilà la gageure du spectacle. De 1944 à 1988, nous allons suivre dans cette tragédie les violences, les déchirements, les affrontements entre juifs, occupants anglais d’abord et palestiniens. Mais Adel Hakim a été nourri depuis toujours par le théâtre grec, il sait à travers lui que ce qui se veut discours universel doit, au théâtre, s’incarner dans le plus personnel, le plus particulier, le plus intime.

Loin des grands discours, des idées globales et des calendriers soporifiques, il prend le parti d’instiller la grande histoire dans la bouche de héros simples, particuliers, vivants, touchants. C’est ainsi que trois générations de femmes vont être la chair où les forces armées des peuples, qu’ils soient conquérants ou rebelles, vont déchaîner leurs violences, leurs désirs et leurs aveuglements.

Mais avant toute chose, c’est la vie, sa fête, sa folie qui est convoquée au plateau : l’amour, car « comme d’habitude, tout commence par une fête », la jeunesse, la dérision. Deux, puis trois porte-paroles (tel le chœur antique), fardés, costumés en clowns étranges, inquiétants mais drôles, viennent ouvrir les scènes au public. Il y a, comme souvent chez Adel Hakim, un air de cabaret qui rythme et donne le contrepoint vital au tragique de l’histoire. L’esprit et l’intelligence ne quittent jamais le discours. Et c’est sans aucun doute la bonne manière pour que le public puisse affronter au théâtre, sans ressentir une effraction, les grandes horreurs.

Cela respire, cela danse, cela pulse sur scène même si les mots parlent d’attentats, d’expulsions, de sangs, de massacres, des viols et d’une sorte de fatalité dans la rancune, dans le désir de vengeance. C’est ainsi qu’avance cette Histoire, qui, de générations en générations, se nourrit du mal subi pour que le malheur renaisse systématiquement.

À coup d’amours interdits la pièce fait également sauter les barrières. Des amours entre juives et arabes, des amours qui deviennent l’enjeu des puissances, que celles-ci veulent détruire. Des enfants qui naissent de ces étreintes, tentés ou obligés de choisir leur camp, des filles qui subissent comme depuis des millénaires les lois masculines.

Mais ce qui fait encore la force de cette pièce, aux allures libres comme si le plateau était une estrade d’où toutes les paroles étaient en droit de s’envoler, c’est l’absence totale de manichéisme. Le théâtre est ici pleinement pour montrer, questionner, émouvoir et faire que les émotions et les pensées s’accordent, il n’est pas là pour juger, ni pour moraliser, mais cherche à rendre compte de la part d’humanité à sauver.

Les interprètes, tous partie intégrante de ce Théâtre National de Palestine, sont à la hauteur de ces personnages hautement simples, et simplement tragiques. Fougue, énergie, qualité de profération, grâce et sensibilité sont leurs armes. On sent qu’ils sont au service d’une grande parole qui veut et mérite d’être entendu. Et au fur et à mesure de l’histoire, on en vient à comprendre sans entendre un mot de la langue arabe, tout ce que leurs personnages racontent.

Cela finit, dans la salle, par de longs, applaudissements nourris et une standing ovation palpitante.

Le mercredi 7 mars, jour de relâche, aura lieu un hommage à Adel Hakim – 19H30 : Lecture par Eddie Chignara du dernier texte écrit par Adel Hakim, Les Pyramides et leur sphynx, Vernissage des expositions de photographies réalisées par Nabil Boutros : Citoyen du monde – série de portraits d’Adel Hakim et reportage autour des créations à Jérusalem d’Antigone et Des Roses et du Jasmin. Entrée libre - réservation indispensable 01 43 90 11 11

Bruno Fougniès

 

Des roses et du jasmin

Texte et mise en scène Adel Hakim
Edition L’Avant-Scène Théâtre
Scénographie et lumière Yves Collet
Dramaturge Mohamed Kacimi
Collaboration artistique Nabil Boutros
Vidéo Matthieu Mullot
Costumes Dominique Rocher
Chorégraphie Sahar Damouni

En collaboration avec les équipes techniques du Théâtre des Quartiers d’Ivry : Franck Lagaroje, Federica Mugnai, Léo Garnier, Dominique Lerminier, Raphaël Dupeyrot du Théâtre National Palestinien : Ramzi Qasim, Imad Samar

Avec les acteurs du Théâtre National Palestinien : Hussam Abu Eisheh, Alaa Abu Gharbieh, Kamel El Basha, Yasmin Hamaar, Faten Khoury, Sami Metwasi, Lama Namneh, Shaden Salim, Daoud Toutah

En collaboration avec les équipes techniques du Théâtre des Quartiers d’ivry : Franck Lagaroje, Federica Mugnai, Léo Garnier, Dominique Lerminier, Raphaël Dupeyrot et du Théâtre National Palestinien : Ramzi Qasim, Imad Samar

 

Mis en ligne le 7 mars 2018