DÉJÀ LA FIN ?

Compagnie La Rumeur / Usine Hollander
1, rue du Docteur Roux
94600 Choisy-le-Roi
01 46 82 19 63

Jusqu’au 12 juin et du 17 au 19 juin 2016
vendredis et samedis à 20h30, dimanches à 18h00

 

Déjà la fin ? loupe 

C’est un dédale, forme d’entrepôts, coursive sans vertige, hangar désaffecté, coulisses ou salle des pas perdu, un espace vide en fait : lieu de tous les imaginaires tels que sont les théâtres avant ou après un spectacle.

L’Usine Hollander est l’endroit idéal pour créer ce lieu de passage où vont se croiser acteurs, actrices, directeur du théâtre, régisseur, auteur, assistant, investisseur sans scrupule et autres metteurs en scène plus ou moins délirants. Un lieu modulable qui nous entraînera en deuxième partie jusqu’à Berlin dans les années 30.

La pièce de Henri-René Lenormand, « Crépuscule du théâtre », dont est tiré ce spectacle (en partie réécrit par Alison Cosson), date de ces années là. Il était, à l’époque un auteur en vogue, progressiste, moderniste qui travailla avec Gaston Baty, Charles Dullin, Georges Pitoëff. A l’avant-garde des précurseurs d’un théâtre populaire ennemi du théâtre bourgeois, personnalité des mouvements artistiques de l’entre-deux guerre, il est de nos jours totalement oublié.

Alors, « Déjà la fin ? » paraît comme une évocation d’un monde perdu, d’un visage oublié, d’un rêve à moitié effacé de la mémoire. L’histoire elle-même est la narration d’un égarement, une sorte d’incompréhension totale mise en actes : la fin d’un théâtre en train d’être racheté pour devenir une salle de cinéma.

La mise en scène de Patrice Bigel est entièrement construite avec cette idée d’apparitions, de passages et de déambulations de ces personnages à moitié fantomatiques, mi-chair mi-stéréotypes d’artistes aux égos surdimensionnés et aux idées baroques comme cet auteur incompris dont la pièce met en scène des animaux, : mouettes, pingouins, ours polaire sur la banquise...

Ce sont tous des êtres dont les cris, les élans et les combats sont voués d’avance à l’échec. On reste suspendu dans cette nébuleuse incertaine où auteur et troupe de théâtre jettent leurs dernières forces pour sauver leur art du naufrage économique qu’ils subissent. Un aspect qui résonne très fort avec l’actualité de notre monde où les retraits des subventions provoquent les fermetures de nombreux lieux, ainsi de que tant de festivals.

Ainsi, plus qu’un appel à la révolte contre une mort annoncée du théâtre, c’est une immense nostalgie, un romantisme rare, qui se dégage de ce spectacle qui évite de croire aux faux espoirs et s’attache avec une grâce Tchekhovienne, aux personnages de cette troupe. Ce sont eux que l’on voit continuer à polémiquer, chercher, inventer, s’opposer et créer dans la tourmente comme une famille touchée par la folie au beau milieu d’un immense chaos. Cette persistance de la vie mise en avant nous touche profondément.

C’est cela que ce spectacle parvient à faire surgir : l’immense tendresse que les femmes et les hommes méritent quand ils se lancent à cœurs perdus dans des combats perdus d’avance.

Bruno Fougniès

    

Déjà la fin ?

Texte : Henri-René Lenormand et Alison Cosson
Mise en scène : Patrice Bigel
Scénographie, lumières, costumes : Jean-Charles Clair
Son : Patrice Bigel et Clément Mathis

Avec : Mara Bijeljac, Simon Cadranel, Raphaële Carril, Roland Dupouy, KarlLudwig Francisco, Mirjana Kapor Huerre, Charly Hamel, Martine Lamy, Françoise Léger, Émilie Olivier, Mélanie Prévot, Valentine Riedinger, Gilles Vanbunnen, Éloïse Vereecken.

 

Mis en ligne le 3 juin 2016