DANS LE REGARD DE LOUISE

Théâtre Ranelagh
5, rue des Vignes
Paris 75016
Réservations : 01.42.88.64.44
Du mercredi au samedi à 19h. Dimanche à 15h

 

Critique de Tanya Drouginska

 

Un soir de 1888, le docteur Pelletier est appellé en consultation par une femme qui souffre de maux de tête violents et récurrents.

Il ignore alors que l'occupante du modeste appartement de Levallois, n'est autre que la millitante anarchiste, figure de la commune, Louise Michel, qui victime d'un déséquilibré, a reçu quelques mois plus tôt, une balle de révolver, qui s'est fichée dans le temporal gauche...

Dans sa pièce romancée, tirée des "Mémoires" de Louise Michel, où l'on retrouve toutes les grandes étapes de sa vie, Georges Dupuis a eu pour seul but de faire partager, découvrir ou redécouvrir, la passion et les idéaux de cette femme étonnante, écrivain mal-connue, institutrice et militante qui fit trembler les politiques de la fin du XIX éme siècle.

L'auteur qui a aussi à son actif une belle carrière de comédien, campe le docteur Pelletier, avec la finesse et la pointe d'humour nécessaires pour rendre le personnage attachant.

C'est Bérangère Dautun, devenue sociétaire de la Comédie Française en 1972, habituée des plus grands auteurs classiques, qui incarne Louise Michel, avec le talent indéfectible qu'on lui connaît. Elle est tour à tour violente, émouvante, vindicative, voire spirituelle et le duo qu'elle forme avec Georges Dupuis est parfait, tant leur complicité est totale.

Après avoir joué à la Comédie Française sous la direction de Jean-Laurent Cochet,et remporté son premier succès de metteur en scène avec "Comme en 14 !", couronné par trois Molières, Yves Pignot dirige ici les deux comédiens, comme dans un voyage à travers l'intime, rythmé par les jeux de lumières, les situant dans l'espace par l'évocation, plus que par le réalisme.

Ce spectacle de qualité faisant revivre celle que l'on surnommait la "Vierge rouge" et qui demeure une icône révolutionnaire aux idées féministes avancées, est aussi une formidable histoire d'amitié entre deux êtres qu'en apparence tout oppose, et qui prouve qu'au delà des clivages sociaux, politiques et religieux, c'est avant tout les facteurs humains qui peuvent primer.

À ne pas manquer, pour le sujet et l'interprétation remarquable!

 

 

Critique de Gérard Noël

  

Le regard de Louise, comment pourrait-on l'oublier, puisqu'il s'agit de celui de Bérengère Dautun, magnifique comédienne servant ici un rôle en or. Elle joue en effet Louise Michel, militante anarchiste, surnommée, on s'en souvient, « la vierge folle ». Nous sommes en 1888. Louise a 58 ans, et cette balle, qu'elle a reçue naguère, continue à lui vriller le temporal gauche. Elle délaisse provisoirement matou et piano pour recevoir le Dr Pelletier, venu l'examiner dans son petit appartement de Levallois. C'est Georges Dupuis, l'auteur, qui incarne le médecin. Louise est rageuse, teigneuse, même. On comprend qu'elle se laissera difficilement diriger.

Pourtant le courant passe, entre elle et le jeune médecin : l'occasion d'évoquer la Commune et cette déportation en Nouvelle-Calédonie qu'on lui infligea. Née de père inconnu et d'une dame du nom de Michel, Louise commença dans la vie comme institutrice, avant de se lancer dans l'activisme puis, à son retour en France, dans la tenue de meetings. Véritable A. Laguillier avant la lettre, elle enflamme les camarades par ses discours virulents et sans concession.

Le charme de cette pièce, c'est, entre autres, que l'auteur fait la part belle à ce personnage imaginaire de médecin : il existe, il a une vie et ne se contente pas de donner la réplique à Louise. Bien sûr, cet homme musicien (comme elle) est un esprit généreux, malgré son éducation et ses prises de positions plutôt conservatrices. Ils s'apprivoisent mutuellement. S'ensuit une succession de scènes tantôt légères, tantôt plus dramatiques (à la mesure de la progression du mal chez Louise). On apprend que Verlaine avait qualifié Louise Michel de « femme bien ». Que celle-ci habitait avenue Victor Hugo, ce qui permet au médecin de glisser : « Peut-être qu'un jour, à Levallois, il y aura une rue Louise Michel ! »

Bref, tout passe, dans ce décor sobre et cosy, à l'éclairage soigné. Sans pédanterie ni épate, l'auteur mène sa pièce à bon terme jusqu'au clin d'œil final. Il s'est inspiré de la vie et des mémoires de la passionaria. Il annonce d'ailleurs : « Tout ce qui s'y passe (dans la pièce) n'est pas absolument vrai. Mais, dans le même temps, rien n'y est vraiment faux ». Comédien, il joue agréablement du piano et tire son épingle du jeu. Bérengère Dautun, inspirée, vit véritablement son rôle. Elle captive et émeut.

Et renaît, devant nos yeux, touchante, la figure exaltée de Louise Michel.

 

 

Dans le regard de Louise

De Georges Dupuis, d'après la vie de Louise Michel

Avec Bérangère Dautun et Georges Dupuis

Mise en scène : Yves Pignot, assisté de Sonia Sariel
Lumières : Benjamin Boiffier
Décors : Georges d'Haène
Costumes : Elizabeth de Sauverzac assistée de Pauline Yaouna et Angèle Levallois

 

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