COMPARTIMENT FUMEUSES

Studio Hébertot
78bis boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 42 93 13 04

Jusqu’au 9 avril 2017
les dimanches à 19h30

 

Compartiment fumeuses loupe Crédit photo© Landre Béatrice

Prison pour femmes.

Une cellule, deux lits, une prisonnière.

Les verrous claquent. Une deuxième incarcérée est jetée dans la cellule par la gardienne : les trois protagonistes de la pièce sont réunies.

Toute l’histoire va se dérouler dans ce décor unique, lieu d’enfermement, de punition, d’aliénation où se joue la rencontre entre ces deux femmes et l’évasion qu’elles vont découvrir l’une et l’autre, l’une par l’autre dans cet échange, si hasardeux et si éphémère soit-il.

C’est la rencontre d’une qui n’a pas l’air d’être à sa place en taule – comme son nom l’indique si bien : Blandine de Neuville – avec une autre, Suzanne, qui a l’air d’y être comme un poisson dans l’eau.

Mais les apparences sont trompeuses. La première a de bonnes raisons pour être incarcérée – elle a tué – tandis que la deuxième n’est là que pour un larcin presque sans importance, une condamnation injuste, exagérée.

Tout d’ailleurs, dans cette pièce, est un jeu répétitif sur la tromperie des apparences et un dévoilement constant et délicat des vérités.

Hors de cet endroit, elles n’avaient aucune chance de se rencontrer : l’une est une grande bourgeoise, fille de chirurgien, l’autre est une femme du peuple, fille et épouse de marinier.

Joëlle Fossier a construit sa pièce comme une suite successive de masques que l’on retire à mesure que les liens se tissent entre ces deux étrangères, que la confiance s’installe, que l’affection naît et que l’amour jaillit.

Une pièce comme l’immense renaissance de cette fille de la bourgeoisie interprétée par Bérengère Dautun qui apparaît au départ comme une privilégiée meurtrière pour devenir au fil des aveux victime d’inceste et d’une enfance détruite par un père ignoble.

La pièce est construite comme un combat de catch rythmé par les interventions violentes de la gardienne qui intervient comme l’arbitre sifflant les rounds, mais aussi par les sons obsédants des  verrous qui claquent dans les têtes et les corps des prisonnières comme un rappel cruel de la dureté du lieu.

Bérengère Dautun, à la fois menue et puissante construit aisément une Blandine un peu ailleurs, une poupée de porcelaine parfois excessivement fragile pour la violence du lieu. On ne sait si on a peur pour le personnage ou la comédienne lors des scènes un peu physiques. Sylvia Roux incarne une compagne de cellule d’une vitalité populaire bonne enfant, avec une belle énergie et une gouaille jamais exagérée. On la sent encore à distance du personnage, un peu trop à l’écoute de ce qui l’entoure pour l’investir encore totalement, mais cela viendra. Florence Muller en gardienne semble un peu engoncée dans ce rôle, d’une raideur, d’une agressivité un peu trop annoncée, un personnage dont la mécanique demande sans doute à être un peu assouplie.

Pour cette première représentation, le jeu entre les trois comédiennes n’est pas encore fluide et l’on peine un peu à croire en cet amour qui traverse classe sociale et génération, mais le sujet de la pièce, les tortures infligées aux femmes, et la manière dont est montré le difficile accouchement de la parole pour les victimes d’inceste, même après des années et des années, est bel et bien salutaire et nécessaire.

Bruno Fougniès

 

Compartiment fumeuses

De Joëlle Fossier
Mise en scène  Anne Bouvier
Assistant Pierre Hélie
Lumière Denis Koransky  
Musique Stéphane CorbinScénographie Georges Vauraz

Avec : Bérengère Dautun, Sylvia Roux, Florence Muller

 

Mis en ligne le 12 février 2017