AVIONS EN PAPIER

Théâtre Ouvert
4bis, cité Véron
75018 Paris
Tél. 01 42 55 74 40

Festival Focus, le 24 novembre 2017, à 20h30

 

Avions en papier loupe 

Sur scène, six jeunes gens assis sur des chaises pliantes noires, de dos. Et face au public, six pupitres de musique. Tour à tour, puis ensemble, les trois filles et  les trois garçons vont s’avancer, prendre la parole pour se souvenir leur enfance, se raconter, se livrer enfin, tout en jouant, et parfois en lisant, pour nous faire découvrir leur histoire. Ils sont tous élèves dans la même classe, quelque part en Roumanie. Leurs parents sont partis, par nécessité, gagner de l’argent dans d’autres pays d’Europe, comme l’Espagne et l’Italie, et ne peuvent pas emmener les enfants, qui doivent rester et sont ainsi gardés par des proches, souvent de la famille. Parmi ces délaissés, paumés, écorchés vifs en désarrois, il y a celle qui vend des baisers, celle qui veut à tout prix être la première de la classe, la timide complexée, le beau gosse voyou, le suiveur influençable, et l’inévitable souffre-douleur, qui va subir les pires humiliations… Les dialogues fusent, à une cadence effrénée, les échanges sont vrais, cruels, réels, terribles. Dérangeants. Parfois effrayants.

Élise Wilk est une auteure roumaine qui signe ici un texte fort, poignant, rapide et ciblé, qui met parfaitement en lumière le quotidien des collégiens et lycéens d’aujourd’hui. Certes, le contexte de cette pièce est celui de le Roumanie, avec les problématiques et contraintes des enfants vivant sans leurs parents, mais cela n’est que prétexte, car le véritable sujet en est la dureté de la vie de tous les jeunes d’aujourd’hui, dans les écoles des quartiers défavorisés. Il y est question d’espoir, de rêves brisés, d’éveil à la sexualité, de failles, de traumatismes, de racket, de harcèlement. Les très jeunes comédiens sont tous excellents, ils incarnent leurs personnages avec une grande sensibilité, fraîcheur, et une stupéfiante justesse. Ils déclinent avec beaucoup de naturel la douleur, les blessures. Ils savent exprimer, paradoxalement, une maturité affirmée, d’adultes en devenir, avec une légèreté toute enfantine : ils tirent la sonnette d’alarme, avec une cruelle innocence.

Nous en ressortons très bouleversés par cette prise de conscience du fait que le quotidien de nos jeunes n’est pas si rose qu’il pourrait paraître, que leur monde peut très facilement basculer et devenir impitoyable, sans issue, un véritable enfer. Interrogeons-nous, encore et encore, à la meilleure manière de les protéger, d’éviter que ce basculement ne se produise. Parlons-en ! C’est ce que l’auteur et la belle équipe d’Avions en papier nous donne envie de faire, d’urgence.

Luana Kim

 

Avions en papier

De : Élise Wilk
Traduction : Fanny Chartres et Alexandra Lazarescou
Mise en scène : Eugen Jebeleanu

Avec : Jules Bodin, Lula Cotton Frapier, Yuming Hey, Marion Lambert, François Praud, Lou Valentini

Création et régie son : Rémi Billardon

 

Mis en ligne le 1er décembre 2017