AU BUT

Théâtre de Poche Montparnasse
75, boulevard du Montparnasse 
75006 Paris
01 45 44 50 21

Jusqu’au 5 novembre 2017
du mardi au samedi 21h00
Dimanche 15h00

 

Au but loupe 

Dans ce théâtre de Poche, on a eu la mauvaise idée d’installer une petite salle au sous-sol : salle basse de plafond, où la visibilité est problématique.

On y présente, dans une mise en scène de Christophe Perton, « Au but » une pièce de Thomas Bernhard. On connaît la manière de Bernhard : dans nombre de pièces et celle-ci n’y fait pas exception, on a droit à un long monologue adressé à un autre personnage, où l’auteur mêle (en les ressassant) son pessimisme, des considérations sur l’art et la vie.

Dans une deuxième partie, l’action s’aère et inclut d’autres personnages : ici, la mère bavarde et sa fille, reçoivent dans leur maison en bord de mer, un auteur dramatique à son premier succès. Cet auteur serait-il un double de Bernhard lui-même, avec sa foi, ses emportements de jeune homme qui vont se briser contre le réel et les réticences d’un public bourgeois ?

Reconnaissons-le, le texte avec ses excès et son ironie, finit par exercer une sorte de charme vénéneux. Il balaie, à force d’insistance, les dernières réserves du spectateur. Il est ici bien servi par le jeu de Dominique Valadié (un peu aidée, côté mémoire). Autant toute la première partie est noire, frôlant le psychodrame, quand la mère humilie gratuitement sa fille, autant la seconde est plus sereine : on y évoque l’art, notamment dramatique, avec des accents définitifs : « Tous les écrivains ont échoué » y entend-on. L’habileté de Bernhard est, d’ailleurs, de prévenir, d’emblée les critiques et de transformer sa pièce (ses pièces ?) en brûlots anti-théâtre, de rêver à un renouveau qui n’arrive toujours pas : « Avant même que ça ait commencé, nous avons tout compris. » ou bien « Il n’y a pas de plus grande perversité que celle des spectateurs de théâtre. » ou encore « Nous avons déjà tout vu ! »

Tout est « off », ici, un peu comme chez Tchekhov.  Mais l’histoire de ces personnages, mère pauvre, petite-fille de clown, qui épouse un homme riche, propriétaire d’une fonderie, dont il a plein la bouche, premier enfant né prématurément vieux, carrière de chanteuse de la fille, qui se brise, ces éléments disparates et « mélo », l’auteur les intègre pour en faire une réalité à laquelle on finit par adhérer.

Léna Bréban, dans le rôle de la fille, est très juste. Yannick Morzelle a la fougue qu’il faut. Dominique Valadié, elle, joue à fleur de peau, d’un froncement de sourcil, d’un mouvement de tête, quand elle ne finit pas, rageusement, un verre pourtant vide.  Si certains spectateurs rient systématiquement aux « horreurs » proférées par la mère, d’autres se laisseront porter par ce spectacle sur le fil. Le fil du désespoir, bien sûr.

Gérard Noël

 

Au but

Mise en scène : Christophe Perton.

Avec : Dominique Valadié, Léna Bréban, Yannick Morzelle, Manuela Beltran.

Scénographie : Christophe Perton et Barbara Creutz.
Création lumières : Anne Vaglio.
Création son : Emmanuel Jessua.
Création costumes : Samuel Theis.
Assistante mise en scène : Camille Melvil.
Régie générale : Benjamin Bertrand et Andrey Paillat

 

Mis en ligne le 11 septembre 2017