NOS ANNÉES SAINT-GERMAIN

Théâtre de Nesle
8 rue de Nesle
75006 Paris

Tous les lundis à 20h30

 

Nos années Saint-Germain loupe 

Il y a, c'est sûr, une mythique (voire une mystique) de Saint Germain des prés. Higelin n'a-t-il pas chanté « Priez pour Saint Germain des prés » ?

Ici, la période choisie ce n'est pas les années 60, (encore que...) plutôt l'immédiat après-guerre, l'existentialisme, les caves, le jazz, avec ces anges tutélaires nommés Jean-Paul Sartre ou Boris Vian, sans oublier la "muse" qu'était Juliette Gréco.

Dans la conception de la soirée, l'auteur-interprète a prévu quatre phases : une évocation de Sagan puis d'Albert Camus, puis de Vian et enfin un mixte Prévert/ Duras.

L'dée est bonne de mêler ainsi écrivains-auteurs et interprètes : d'autant que la chanson n'est pas seule mise en avant, il y a aussi du jazz (Dave Brubeck ou Eroll Gardner) et d'autres musiciens comme Brahms, Debussy.

Poulenc côtoie Gershwin, que demander de plus ?

C'est le duo Prévert/Vian qui se taille la part du lion : à côté des classiques "Barbara" ou "Le déserteur"... on nous ménage des surprises, des choses bien moins connues, comme un texte extrait de "Aimez-vous Brahms ?" (Sagan) ou encore "La mort de la mouche" de Duras, tiré de "Écrire".

Le dispositif est simple : Sophie Teulon joue très brillamment du piano. Sa maestria est bluffante : on l'écouterait des heures. Blandine Jeannest de Gyves (belle voix de soprano) chante ou lit, c'est selon. L'interprète est chevronnée : elle assure, comme on dit, restituant les mots des uns et les notes des autres.

Des projections de Saint Germain des prés... avant ou il n'y a pas si longtemps, nous replongent dans l'ambiance de ces années-là.

La mise en scène est assez simple et les éclairages soigneusement pensés et réalisés. Passé le plaisir de la soirée, on pourrait déplorer l'absence de tel ou tel (Ferré, par exemple, qui hanta, lui aussi la rue Saint-Benoît), Sartre, évoqué sans qu'on n'entende rien de lui, ni de Beauvoir.

Oublions tout cela : tel quel, le spectacle existe bel et bien, il est conforme à ce que nous attendions à la lecture du titre. C'est l'occasion de se replonger dans ces années un peu folles, un peu exaltées, années nées après le grand "ouf !" qui suivit la fin de la guerre.

On voulait oublier, innover, vivre à deux-cents à l'heure (n'est-ce pas, Sagan ?).

On s'étourdissait de fêtes, en s'interrogeant aussi sur soi, sur la vie et sur le monde.
Ces années ont fui, comme le rappelle Guy Béart dans sa chanson. Il n'y a plus d'après, c'est vrai.

Mais Saint Germain revit dans cette évocation, à mille lieues de ce qu'il est devenu aujourd'hui.
Laissez-vous tenter par le voyage.

Gérard Noël

 

Nos années Saint-Germain

de Blandine Jeannest.

Chant : Blandine Jeannest.
Piano : Sophie Teulon

Scénographie, vidéo : Jean-Pierre Schneider
Lumières : William Orrego Garcia

 

Mis en ligne le 20 novembre 2018