JÉRÉMY FERRARI : VENDS DEUX PIÈCES À BEYROUTH

Le Trianon
80 Boulevard de Rochechouart
75018 Paris
01 44 92 78 00

Jusqu’au 31 janvier
et les 3, 4, 7, 8, 9, 10 juin à l'Olympia à Paris. 
Et en tournée (Tours, Angers, Nantes, Strasbourg, Saint-Etienne,Le Mans, Lille, Amiens, etc) jusqu'à fin 2016. 

 

Jérémy Ferrari : Vends deux pièces à Beyrouth loupe 

Cela fait un moment déjà que je suis avec intérêt ce que fait ce jeune homme, depuis son spectacle Cet homme va trop loin, rebaptisé depuis Hallelujah Bordel, et l’interview que j’ai eu le bonheur de réaliser il y a deux ans.

Deux ans pendant lesquels on ne l’a plus trop vu, occupé qu’il était à préparer ce nouveau spectacle.

Et il réalise le miracle d’avoir des salles combles malgré cette absence, preuve que le public a besoin d’un humoriste de cette trempe. Marketing bien orchestré diront les mauvaises langues. Sans doute aussi mais ça fait partie du jeu. Et de toute façon le marketing sans le talent derrière, ça ne va jamais très loin.

Il est 19h30, la file d’attente s’étire le long du trottoir, on rentre au compte goutte sécurité oblige.

À 20 heures pendant que les spectateurs finissent de s’installer, c’est une jeune femme qui occupe la scène. Laura Laune joue dans la même cour que Jérémy Ferrari, il contribue d’ailleurs à l’écriture de ses sketches. Mais là on rit aussi tellement le contraste est frappant entre ses allures de jeune fille sage, toute blonde et menue, son air innocent et les horreurs qu’elle profère ! C’est intelligemment troussé et la jeune femme occupe bien l’espace, des applaudissements nourris saluent sa prestation. Elle passe actuellement à l’Apollo théâtre les mardis et mercredis, voilà une occasion de la découvrir.

Noir sur scène. Puis des sons nous entourent, des coups sourds et violents, une musique sauvage, des projecteurs s’allument de partout, on est loin du spectacle intimiste que j’ai vu il y a cinq ans, c’est maintenant un véritable show que l’artiste offre à son public.

Mais tout cet habillage ne lui a rien enlevé de son mordant, de son insolence, de son impertinence, de son abattage. Il bouge beaucoup, mouille véritablement le tee-shirt, apostrophe les spectateurs, rebondit habilement sur ce qu’il entend dans la salle. Il a pris de l’assurance, du métier, chacune de ses réparties atteint son but qui est certes de nous faire rire mais aussi de nous faire réfléchir.
— Le rôle des humoristes n’est-il pas justement par ce biais-là de dénoncer ?  me disait-il il y a deux ans.

Il ajoutait :
— Un humoriste est censé prôner l’égalité, la liberté d’expression doit servir à débattre et pas à exacerber les haines, à monter les gens les uns contre les autres.

Et il est vrai que malgré la férocité sans fard des propos, on ne décèle jamais de méchanceté gratuite dans ses textes. Et pas de favoritisme dans ses cibles, tout est calculé, précis, très documenté et chacun en prend pour son grade, l’Orient aussi bien que l’Occident, les terroristes et les ONG, les chefs d’État qui se compromettent avec les dictateurs…

Les raisons de la colère ne manquent pas, et il dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, voire nous ouvre les yeux.

C’est brutal, virulent, jamais haineux, et surtout d’une immense drôlerie qui nous fait rire sans pratiquement aucune interruption pendant presque deux heures. Pratiquement car parfois, en de très courts moments mais d’une grande intensité, l’humoriste baisse la garde et c’est le citoyen blessé et en colère qui s’exprime, abandonnant soudain l’humour pour pousser un vrai cri de révolte.

S’il est de la même veine que Desproges ou Coluche auxquels on le compare souvent, c’est bien pour son côté provocateur sans limites.

Mais il a son propre style, et d’écriture et de jeu, il n’est ni l’un ni l’autre, il est Ferrari.

Et peut-être dans un avenir lointain dira-t-on d’un jeune humoriste qu’il est le nouveau Ferrari.

Nicole Bourbon

 

Mis en ligne le 24 janvier 2016