Jean-Claude DREYFUS

 

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Jean-Claude Dreyfus

RENCONTRE AVEC JEAN-CLAUDE DREYFUS

Actuellement à l'affiche  avec Francis Huster, de La trahison d'Einstein d'Éric-Emmanuel Schmitt
Au théâtre Rive Gauche

Jean-Claude Dreyfus arrive, colosse tiré par une minuscule chose bruyante et dynamique au bout d'une laisse : Oliver, un petit chien qu'il vient d'adopter et qui participera activement à notre échange.

Nous prenons place en terrasse, profitant d'un vrai temps de printemps avant l'heure, le soleil illumine la rue de la Gaité.

Dans La trahison d'Einstein, il incarne un vagabond et ce personnage lui sied à merveille :
« Après les lectures, Éric-Emmanuel l'a un peu remanié, et là c'est vraiment du sur mesure. J'étais heureux qu'il me propose ce rôle, il m'avait déjà contacté pour les Guitrys mais j'étais en tournée. Qu'il me recontacte prouve qu'il avait envie de travailler avec moi, c'est toujours agréable pour un comédien. »

 Cet homme, épris de liberté, un peu bougon, un peu poète, c'est un peu lui et il se verrait bien finir sa vie comme lui, loin de tout, assis sur un banc à regarder l'horizon.
« J'ai eu un déclic lors d'un tournage au Cambodge, je me suis dit je pourrais rester là, tout abandonner »

Libre toujours. Pas d'attache, rien qui le retienne.
« J'ai défendu le mariage pour tous. Que chacun soit libre de choisir sa vie. Et puis après tout, si les homos veulent avoir les mêmes emmerdes que les autres… » L'humour aussi.

La liberté, il la revendique également dans son métier.
« Je n'ai jamais appartenu à une compagnie. On m'avait proposé d'entrer au Français, mais non, ce n'est pas pour moi. J'aime bien l'inconnu, même si ça peut être parfois inconfortable, les surprises, travailler avec de nouvelles personnes. C'est enrichissant humainement. »

Car le côté humain, c'est aussi sa priorité, c'est ainsi qu'il arrive à donner chair à ses personnages, qu'il parvient même à nous les rendre acceptables même si ce n'est pas évident. « Le boucher de Délicatessen est un être frustre, lourd, un gros con, borné, mais il aime sa fille, sa maîtresse. »

Il ne pourrait d'ailleurs jouer de vrais salauds, « J'en ai refusé, comme j'ai refusé aussi de jouer avec certaines personnes avec qui il m'était impossible de m'entendre. Je suis même parti parfois, j'ai quitté l'aventure. »

Entier,  Jean-Claude, ce qui lui a peut être valu sa réputation de sale caractère. Mais comme peut l'être un enfant.

Cet enfant qu'il revendique , laissant de côté l'adulte peu intéressant.
« C'est beaucoup mieux de se couler dans la peau d'un autre, tout en lui apportant un peu, voire beaucoup de soi. »

Et ce plaisir enfantin de se déguiser, de se transformer.
Mais il est également un amoureux des mots, des beaux textes, prend un plaisir extrême à les dire Jehan Rictus, Cocteau, Claudel, Devos sont ses compagnons de route, de spectacle.
« Claudel est simple à jouer, il a un rythme dans lequel il n'y a qu'à se laisser couler »

Et s'il s'est laissé aller à l'écriture avec une bio-dégradable, c'est bien parce qu'on ne lui a rien imposé, il a pu faire comme il l'entendait. Liberté encore.

Libre, ce qui ne l'empêche pas d'être à l'écoute des autres, d'essayer de les comprendre, de répandre un peu d'amour autour de lui.
« Je suis certes chiant, mais je crois pouvoir dire que je suis malgré tout assez facile à vivre. »

Oliver le petit chien ne se fait pas oublier, il aboie joyeusement à chaque passant qui entre dans son champ de vision, Jean-Claude Dreyfus le gronde d'une voix forte, lui intime de s'arrêter. Puis finalement le prend contre lui pour un câlin.

Tout Dreyfus est là, cet homme aux allures de fort des halles, à la voix de stentor, aux emportements légendaires, qui cache un être profondément humaniste et sensible, capable de pleurer alors qu'il fait une lecture de l'Inondation de Zola.
« Je me suis raisonné, je me suis dit, je dois me contrôler,  ce n'est pas à toi de pleurer mais au public ».

Et je les vois alors défiler, le boucher de Délicatessen, Monsieur Marie, Marie-Pierre de Mardi à Monoprix, Marcello, le dresseur de puces  de la Cité des enfants perdus, le duc d'Orléans de Rohmer, et bien d'autres encore, tous ces personnages baroques, originaux voire inquiétants mais auxquels l'acteur a su insuffler un peu d'humanité.

Nicole Bourbon